Politique

Togo : ADDI tend la clé

Le défi de l’opposition face à un régime fortement enraciné

Au Togo, les partis politiques se démerdent mais ils peinent à concrétiser l’alternance politique.  Les leaders passent et se suivent mais leur lutte ne donne pas le fruit escompté. Pourquoi? Les raisons pour le parti Alliance des Démocrates pour le Développement Intégral (ADDI) de Aimé Gogué, résident dans la manière de l’opposition elle même. Dans une analyse approfondie, le parti livre la clé pour « enfin » y arriver. Lisez 

Doute, tolérance et unité : Les clés d’une opposition forte pour l’alternance au Togo

Chers compatriotes togolais, notre pays traverse une période politique difficile. En plus de la persistance des actes de terrorisme dans la Région des savanes, après les élections contestées du 29 avril 2024 et l’adoption d’une nouvelle Constitution vivement critiquée par l’opposition, le climat est tendu.

En tant que militant de l’Alliance des Démocrates pour le Développement Intégral (ADDI) et leader de ce parti d’opposition au Togo, j’ai été témoin de la longue lutte de notre pays pour la démocratie. Mes décennies d’engagement politique –des mouvements prodémocraties des années 1990 à mon mandat au Parlement – m’ont enseigné une leçon essentielle : l’unité est notre arme la plus puissante, même lorsque nous divergeons sur la stratégie. Elle exige de dépasser nos certitudes, pires ennemies de l’unité, et d’harmoniser nos approches. Nous, membres de l’opposition, proposons des chemins différents vers le changement, mais nous partageons le même objectif. Il est temps d’accepter notre diversité comme une source de force plutôt que de division. Dans cet essai, j’appelle tous les membres et sympathisants de l’opposition à favoriser l’unité malgré nos différences, à cultiver un esprit de doute constructif qui exige de nous la tolérance, et à rester concentrés sur notre objectif commun : le changement démocratique au Togo.

Alternance au Togo : ADDI tend la clé à l'opposition
Alternance au Togo : ADDI tend la clé à l’opposition

Le défi de l’opposition face à un régime fortement enraciné

Nous faisons face à un régime qui s’est enraciné au pouvoir depuis plus d’un demi-siècle sous la gouvernance d’une seule famille. Ce système de pouvoir contrôle fermement tous les leviers de l’État – militaires, administratifs, judiciaires et financiers. Par exemple, les forces de défense et de sécurité (FDS) sont étroitement alignées avec le régime. Le contrôle délibéré des FDS a pour but de garantir une loyauté indéfectible. De même, l’indépendance du pouvoir judiciaire et des institutions étatiques est largement compromise. L’influence de l’exécutif sur la justice est omniprésente, et la corruption ainsi que l’impunité ont érodé la confiance du public en l’État de droit. Les postes administratifs clés et les institutions financières sont souvent occupés par des fidèles du régime, brouillant ainsi la frontière entre l’État et le parti au pouvoir.

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Dans ces conditions, une compétition politique équitable est quasi impossible. Les élections sont systématiquement entachées d’irrégularités et d’intimidations de la part de l’État. Le régime exploite son contrôle des ressources pour dominer les campagnes et les médias. Nous avons vu comment les manifestations sont réprimées avec violence et comment de nouvelles lois sont créées pour perpétuer le pouvoir en place. Autrement dit, le terrain politique est profondément biaisé en faveur du statu quo.

Cette réalité constitue un défi redoutable pour l’opposition – un défi qu’aucun parti ni aucun leader ne peut surmonter seul et renforce l’urgence d’une stratégie commune. C’est précisément parce que le régime est si enraciné que l’opposition doit faire front commun. Si nous restons divisés et antagonistes entre nous, nous offrons au régime exactement ce qu’il souhaite : une opposition morcelée et facile à écraser. Seule une unité solide nous permettra de générer la pression politique et la mobilisation populaire nécessaires pour contrer un système renforcé par l’appareil d’État.

L’unité malgré des stratégies différentes

Je suis profondément inquiet de la situation actuelle que vit l’opposition togolaise. Je crains qu’une opposition aussi divisée n’affaiblisse notre démocratie et ne fasse perdre la confiance de nos concitoyens dans le processus politique . Il en va de la crédibilité de notre lutte et de l’espoir du peuple togolais en un changement positif.

L’unité ne signifie pas l’uniformité des tactiques. L’une des grandes forces de l’opposition réside dans la diversité de pensée et d’approche parmi ses membres. Nous avons des idées différentes sur la meilleure manière d’obtenir le changement – et cela est normal. Certains pensent qu’il faut s’engager dans le système, participer aux élections et occuper les sièges remportés pour défendre le peuple à l’intérieur des institutions. D’autres croient au contraire que seule une pression externe – par des boycotts, des manifestations et une non-coopération – peut délégitimer le régime et forcer des réformes.

Ces stratégies peuvent sembler contradictoires en surface, mais en réalité, elles sont complémentaires. En effet, ceux qui ont choisi la première voie peuvent entreprendre également des actions pour la délégitimation du régime. J’ai toujours reconnu et respecté ces différentes approches. Par exemple, lors des récentes élections de 2024 et 2025, mon parti et moi avons refusé un boycott total, estimant que l’opposition devait s’organiser et former des alliances stratégiques pour disputer chaque siège disponible. Nous estimions que même une présence limitée au Parlement valait mieux qu’une chaise vide, car elle nous permettait de faire entendre la voix du peuple et de dénoncer les abus du régime de l’intérieur.

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Dans le même temps, certains collègues de l’opposition ont jugé ces élections complètement biaisées et ont refusé d’y participer, dénonçant notamment un « simulacre » électoral au regard des fraudes passées. Leur position était que refuser de légitimer un processus vicié était la seule manière d’exiger un véritable changement.

Ces deux approches naissent d’un profond patriotisme et d’une même soif de liberté. Que l’on choisisse de siéger au Parlement ou de boycotter ses sessions, la motivation est identique : mettre fin à des décennies de régime autoritaire et améliorer la vie de nos concitoyens. Nous devons reconnaître cette conviction commune. Le débat ne doit pas être de savoir qui aime le plus le Togo – nous l’aimons tous – mais bien de déterminer quelles méthodes sont les plus efficaces pour accélérer notre transition démocratique. Nous ne devons pas perdre notre temps à déterminer qui est plus contre la constitution de la 5ème république – nous sommes tous contre – nous devons réfléchir sur les actions idoines pour accélérer le changement de ce régime.

Cultiver l’esprit de doute constructif et la tolérance

Pour que notre coalition d’opposition fonctionne, nous devons changer notre manière d’interagir. Il est essentiel d’adopter une culture du doute et de la tolérance. Par doute, j’entends un sain questionnement de nos propres certitudes et une ouverture aux perspectives de nos pairs. Ne dit-on pas que la certitude est l’ennemi éternel de la tolérance et le grand ennemi de l’unité ? Aucun leader ni aucun parti ne détient à lui seul la vérité absolue ou la stratégie parfaite pour la victoire.

Le doute n’est pas une faiblesse – c’est une force, car il nous rend plus adaptables. En cultivant ce doute, nous nous forçons à écouter réellement les arguments des autres. Ce doute s’accompagne naturellement de tolérance : la reconnaissance que d’autres peuvent avoir une approche différente sans pour autant être nos ennemis. Plutôt que de nous juger les uns les autres ou de qualifier ceux qui ne partagent pas notre stratégie de naïfs ou d’extrémistes, nous devons comprendre que, face à un régime autoritaire, plusieurs tactiques peuvent être nécessaires.

Respecter les rôles divergents dans la lutte

L’opposition togolaise est une grande famille englobant des politiciens, des activistes de la société civile, des leaders religieux, des mouvements de jeunesse, et bien d’autres. Certains siègent dans les institutions officielles, tandis que d’autres restent en dehors pour mieux dénoncer le système. Il est impératif de respecter ces rôles, car ils sont tous complémentaires.

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Ceux qui choisissent de siéger au Parlement ne sont pas des traîtres ; ils défendent les intérêts des citoyens dans l’espace réduit qui leur est concédé. Ils posent des questions dérangeantes, votent contre les lois injustes et témoignent des abus du régime de l’intérieur. De l’autre côté, ceux qui boycottent ne sont pas de simples agitateurs ; ils jouent le rôle de conscience de la démocratie. Chaque rôle, au sein ou en dehors des institutions, contribue à la lutte. Cette dualité d’approches ne doit pas devenir un point de fracture, mais un levier stratégique pour former les deux faces d’une méthode de pression sur le régime : l’une dans l’arène institutionnelle, l’autre dans l’espace citoyen.

Conclusion : Un seul objectif, un seul peuple

Nous venons de divers horizons, de différents partis et de différentes régions, mais nous sommes tous les enfants du Togo. Notre peuple attend depuis trop longtemps justice, liberté et prospérité. Il est temps de lui donner ce qu’il mérite : une opposition unie et efficace.

Il y a plus de quatre ans, j’écrivais déjà sur l’importance du doute et de la tolérance dans la lutte pour l’alternance. Une question me hantait alors :« Comment réussir cette lutte si les militants de l’opposition eux-mêmes ne peuvent se tolérer, simplement parce qu’ils ont des stratégies différentes ? » Cette interrogation reste d’actualité. Il y a quelques jours, suite à des échanges sur une plateforme de discussion, j’ai posé cette question à des compatriotes : « Comment peut-on être aussi convaincu de la justesse absolue de ses croyances ? Le doute cartésien n’existe-t-il donc pas chez vous ? »

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L’avenir de l’opposition togolaise repose sur notre capacité à remettre en question nos certitudes, à faire preuve de tolérance et à bâtir une unité dans la diversité. L’alternance ne viendra que si nous apprenons à nous écouter, à débattre entre nous sans nous diviser et à travailler ensemble pour un objectif commun. Car si nous nous accrochons à nos dogmes personnels, nous perpétuons la fragmentation qui empêche le changement. En restant figés dans nos certitudes, nous nous privons de la possibilité d’élaborer des stratégies plus inclusives et efficaces : la certitude nous enferme dans des positions rigides et nous empêchant d’explorer d’autres approches. Or, une véritable alternative politique ne pourra émerger qu’en confrontant nos idées et en recherchant une synthèse entre différentes approches.

L’histoire nous montre que des régimes autoritaires ont été renversés grâce à l’unité des forces démocratiques. Le Togo ne fera pas exception. Notre diversité est notre force, à condition que nous la mettions au service d’une vision commune.

Ensemble, dans notre unité, réside l’espoir du peuple togolais. Unis dans la diversité, nous vaincrons.

 

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